• This is England

Publié le par 67-cine.gi-2007













This is England drame de Shane Meadows




avec :
Thomas Turgoose, Stephen Graham, Jo Hartley, Andrew Shim, Vicky McClure, Joe Gilgun, Rosamund Hanson, Andrew Ellis, Perry Benson, George Newton, Frank Harper, Jack O’Connell, Kriss Dosanjh, Kieran Hardcastle, Chanel Cresswell, Danielle Watson et Sophie Ellerby


durée : 1h37
sortie le 10 octobre 2007

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Synopsis
1983, Shaun a 12 ans et habite avec sa mère dans une ville côtière du nord de l’Angleterre.
Garçon solitaire, c’est pour lui le début des vacances d’été, lorsqu’il rencontre un groupe de skinheads locaux.
Avec eux, Shaun découvre le monde des fêtes, du premier amour et des bottes Dr Martens.
Le ton change quand Combo, un skinhead raciste et plus âgé, sort de prison.
Alors que sa bande harcèle les communautés étrangères locales, Shaun va subir un rite de passage qui le sortira violemment de l’enfance.


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La genèse du film
This is England se passe pendant les années 80. C’est l’époque de Roland Rat, de l’aérobic, des blockbusters, de Margaret Thatcher, de la guerre des Malouines, des tensions raciales et des skinheads. Shane Meadows dresse le portrait d’une époque souvent culturellement sous-estimée. Avec comme décor la scène skinhead dans une petite ville côtière moribonde, on assiste à un rite de passage, à un niveau à la fois culturel et personnel, à travers les yeux d’un garçon de 12 ans. Shane a réfléchi à This is England pour la première fois sur le tournage de son film précédent, Dead Man’s Shoes, une histoire de persécution, d’abus de pouvoir et de vengeance dans l’Angleterre rurale. Ce film a permis au réalisateur d’explorer la nature de l’intimidation par la force et la violence. Plus spécifiquement, quand il avait 12 ans, Shane est devenu un skinhead. Je pensais que le but ultime à atteindre pour tout homme dans sa vie, c’était cette virilité violente. Je rêvais d’être comme Jimmy Boyle, John McVicar ou Kray. Tout comme les gamins d’aujourd’hui adorent Beckham, j’adorais Jimmy Boyle. Je voulais voir les hommes se battre, je cherchais à provoquer cette violence et c’est devenu très difficile pour moi de vivre avec ce sentiment. Ironiquement, c’est cette expérience, ainsi que le parcours de Jimmy Boyle (un criminel devenu sculpteur), qui a influencé Shane de façon positive. Le réalisateur se souvient de son enfance dans les années 80 à Uttoxeter, une ville de 10 000 habitants dans les Midlands, prototype même de l’Angleterre rurale appauvrie par Thatcher, où le taux de chômage était écrasant. En venant d’une ville comme Uttoxeter, personne ne s’attend à ce que vous deveniez réalisateur. En un sens, ma réaction face à cette violence a été l’élément déclencheur pour que je sorte de ce mode de vie. Pour Shane, réaliser This is England a été un moyen d’exorciser les démons de cette nuit de violence. Cependant, l’impact de ces jeunes années d’expériences se ressent sur l’ensemble de son oeuvre. La question de la virilité se retrouve dans tous ses films, aussi bien dans le club de boxe de 24 heures sur 24 ou dans l’amitié masculine ambiguë de A Room for Romeo Brass. Il pose la question des structures du pouvoir masculin et de la vengeance dans Dead Man’s Shoes ainsi qu’à travers les bandes d’adolescents ou les figures paternelles de This is England. En termes cinématographiques, c’est un peu comme La Guerre des Etoiles, plaisante-t-il. Je suis en plein dans la série des épisodes précédant ma trilogie. This is England se passe à une époque antérieure à tous mes autres films. Ces derniers racontent les 15 ans qui ont suivi quand, même si je détestais la violence, j’étais devenu un petit truand. Je crois que This is England remonte aussi loin que je le peux et m’a permis de mettre le doigt sur les origines de mon désir de réaliser des films.


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À la recherche de Shaun
Le casting est une part essentielle de chaque film de Shane Meadows. Lorsqu’il travaille avec des non professionnels, il est un réalisateur intuitif qui laisse l’histoire prendre forme lors de différents ateliers. La structure du film est alors développée de manière organique autour de la personnalité de l’un de ses acteurs, souvent des jeunes gens arrivés au cinéma par des chemins atypiques. Pour This is England, il tenait son point de départ : la culture skinhead, le fait de grandir dans les années 80 et l’enfance interrompue par la violence. Cependant, la matière du film dépendait du rôle principal qu’il restait à trouver, ce qui demanderait beaucoup de travail ainsi qu’une pincée de chance et de magie. Alors qu’ils cherchaient Shaun, Shane et Louise Meadows (sa femme et sa collaboratrice) ont trouvé le reste du casting et ont organisé de nombreuses auditions dans le pays. Ils en vinrent à la conclusion qu’il leur fallait un vrai gamin de la rue comme l’a dit Louise. Ils ont alors fait appel à un génie du casting sauvage, Des Hamilton. Des avait travaillé avec Lynne Ramsay sur son film Ratcatcher dont le casting était constitué de non professionnels. Grâce à des discussions avec Shane, Des a défini la personnalité du personnage qu’il devait trouver. Des a alors ciblé les régions dans lesquelles le vrai Shane vivrait. Des annonces de casting ont donc été distribuées dans des camps de vacances sur la côte est et Des a surtout axé ses recherches sur la ville de Grimsby. C’est au Space Project, un lieu réservé aux enfants venant de familles pauvres, souvent expulsés de l’école, que Des a trouvé les qualités dont il avait besoin : un mélange d’innocence et de dureté qui caractérise ces enfants.

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Les Malouines
Le personnage de Shaun, mélange de Shane et de Tommo, grandit sans père. Celui-ci est mort au combat pendant la guerre des Malouines, un événement historique pour ainsi dire oublié. Contrairement aux deux guerres mondiales, il n’y a aucune commémoration de cette victoire. Alors qu’elle avait été vue comme le vecteur d’accession au pouvoir de Margaret Thatcher, on ne se souvient plus de la guerre des Malouines comme d’une guerre héroïque, pour peu qu’on s’en souvienne tout court. Pour Shane, cette guerre est un parallèle aux deux guerres d’Irak. On voit l’Irak comme si on y était allé, tout fait exploser et reparti. Aucune guerre n’est aussi simple que ça. L’Irak est à présent un prototype de complexité. Les Malouines étaient pour moi un peu comme ça aussi : une guerre qui n’en était pas vraiment une et surtout la manière dont on s’en souvient... Pour moi, si même une seule personne meurt, elle ne doit pas être oubliée. Je voulais voir l’effet de la claque que cela peut être, à travers les yeux d’un enfant. Des images d’archives sont intégrées à la description de la vie de Shaun dans cette petite ville. On n’y voit rien de choquant ou d’accablant. This is England montre des hommes qui vont accomplir leur devoir, ce qui laisse place à la réflexion. Nos soldats ne sont pas des monstres, mais quand vous voyez un soldat anglais, la clope au bec, jeter un mort argentin sur le sol, on comprend qu’on n’est pas face à une situation glorieuse.


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La culture skinhead
D’après Gavin Watson, qui a photographié les skinheads dans les années 80, le mouvement skinhead n’était qu’un autre mouvement jeune et n’avait rien d’un phénomène sociologique. Pour lui, le racisme, le néo-nazisme, la violence et toutes les autres formes de comportement anti-social associées aux skins, ne sont que des jugements rapides. En effet, ça n’a pas toujours été le cas. À l’origine, les premiers skinheads sont apparus à la fin des années 60. Tout a commencé avec les Mods qui étaient admis dans les clubs de reggae de Londres comme le Ruby’s sur Carnaby Street. Ils y ont découvert non seulement le Ska, mais aussi les éléments essentiels qui ont défini le look skinhead. La culture skinhead a été adoptée par les enfants noirs et blancs de la classe ouvrière qui travaillaient à la chaîne ou sur les chantiers navals. Ils se sont regroupés autour de leur amour du reggae et la fabrication d’une identité vestimentaire anglaise particulière, comprenant des bretelles, des costumes, des bottes et parfois un chapeau de chez Crombie porté sur une tête rasée façon militaire. Il n’était pas question de peace and love, la vie était vue comme une série de coups durs et leur apparence guerrière était une manière d’exprimer leur vérité. La seconde vague des skinheads, dans les années 80, était similaire sur un point : seuls les enfants des quartiers pauvres trouvaient une place dans la société en étant différents ensemble, comme tous les adolescents du monde. Ils étaient fidèles aux groupes héritiers du Ska tels que Madness et The Specials. À la même époque, un nouveau genre musical inspiré du punk fit irruption : le Oi!, une musique violente et industrielle qui poussait à la bagarre. Chaussés de Dr Martens et la tête rasée comme des soldats, ils tabassaient tous les imprudents qui les regardaient de travers. Ces adolescents venaient de régions particulièrement touchées par le chômage. Ils recherchaient une solidarité en opposition à la société égotiste de Thatcher. La société les avait abandonnés et, bien sûr, ils devinrent plus vulnérables aux idéaux du National Front (le Front National anglais). Shane appartenait à la seconde vague des skinheads. Conscient de l’héritage des années 60, il tenait à donner une image sincère de ce monde tel qu’il l’avait vécu. Les skinheads, à cause de leur apparence agressive, ressemblent à des soldats. Ils étaient faciles à convertir en guerriers du National Front. Quand on est dedans, on ne se rend pas compte de la contradiction qu’il y a à être endoctriné par le National Front tout en écoutant de la musique noire. La première fois que j’ai entendu parler du National Front, le tableau qui m’en a été fait, était une vision churchilllienne de familles asiatiques ramant jusqu’aux côtes anglaises et les skinheads, sur ces plages se battant pour les empêcher d’entrer dans le pays. À 12 ans, on trouve l’image assez romantique. C’est presque ce que papy avait fait. Quand vous avez 12 ans et que personne autour de vous ne trouve de travail, si quelqu’un vous dit, “c’est de la faute de ces gens”, vous le croyez. , dit Shane à propos du racisme qu’il a pu constater chez les skinheads. J’y ai cru pendant 3 semaines, certains le croient pendant toute leur vie, ce qui est effrayant. Afin de dépeindre les contradictions inhérentes à la culture skinhead, Shane a réuni des personnages très différents dont le comportement est aussi ridicule qu’effrayant et menaçant. Combo, le chef raciste du gang a un autocollant L sur sa voiture (L pour Learning, le A français pour les apprentis conducteurs) et écrire Fuck Off (Allez vous faire foutre) sur les murs relève pour eux de l’épreuve d’orthographe. Ce sont des minables, mais Shane ne laisse jamais le spectateur oublier qu’il y a une raison à leur comportement.


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Fiche technique
Écrit et réalisé par : Shane Meadows
Casting : Louise Meadows et Des Hamilton
Costumes : Jo Thompson
Maquillage et coiffure : Catherine Scoble
Musiques originales : Ludovico Einaudi
Décors : Mark Leese
Directeur de la photographie : Danny Cohen
Montage : Chris Wyatt
Directeur de production : Julia Valentine
Coproducteurs : Louise Meadows
Producteurs exécutifs : Tessa Ross Peter, Carlton Paul Trijbits, Kate Ogborn, Will Clarke et Hugo Heppell
Produit par : Mark Herbert
Une production : Warp Films Production
En association avec : Big Arty Productions, Ingenious Film Partners Pour Filmfour, Le Uk Film Council, Em Media et Screen Yorkshire

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de



remerciements à
Arthur Hallereau

logos, textes & photos, © Ad Vitam

Publié dans PRÉSENTATIONS

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